Note

Les « textes à voix » comme leur nom l’indique, trouvent toute leur valeur lorsqu’ils sont parlés, et donc écoutés. Les liaisons, les élisions et leur rythme en général risquent de ne pas être retranscrits correctement par une simple lecture. C’est sans doute paradoxal pour un texte écrit, mais c’est aussi ce qui fait toute la force de la tradition orale et contée.

Description

C’était en 2008, en France il y avait un mouvement de grève pour réclamer… plus. En Haïti, la même semaine, l’inflation ruinait le pays et la population commençait à manquer d’eau et de vivre. Moi, à mi-chemin, dans le confort douillet de mon sous-sol canadien, je me permettais de faire la synthèse :

Quand j’ai vu les titres de l’actualité, j’ai fait un bond
Je ne peux pas croire que personne n’ait fait la liaison.
Dans la même semaine, il y eut bien des protestations
Mais ce n’était franchement pas pour les mêmes raisons.
D’abord, c’est bien de pouvoir avoir des revendications,
Ça prouve qu’on est dans un pays ou y a eu de la libération.
Mais toi après ta marche tu rentres devant ta télévision
Pour d’autres ça s’arrête pas là une manifestation.

Mais je crois que pour tu comprennes il faut que je fasse différent
Alors le mieux encore c’est de laisser parler les slogans
Garde bien en tête que ce qui suit, ce que tu entends
Avec le décalage horaire, ça a eu lieu en même temps
Les premiers s’adressent à Paris et son Président
Les seconds à Haïti et leur gouvernement :

« On est crevé, on veut pas prendre le métro après 7h de travail »
« On comprend pas on bosse 16h et ça paye pas les victuailles »
« Fais pas le rat Sarko, vas-y donne nous des euros »
« S’il vous plait président Emilio, donnez-nous un peu d’eau »
« Donnez-nous des logements à Paris intramuros pour pas cher »
« Nos enfants sont en carence de calcium et de fer »
« C’est pas normal de bosser pour une ville où on peut pas se loger »
« Comment faire pour se reposer quand nos ventres sont affamés ? »

Alors tu vois, tes problèmes kafkaïens du prix des logements parisiens,
S’il te plait compare ça avec ceux qui défilent parce qu’ils ont faim.
Je te dis pas d’être militant et de te lancer dans l’humanitaire
Mais de relativiser un peu ce qui se passe sur cette terre.
Et c’est même pas le tiers-monde à Haïti, ils ont de la chance
Les touristes comme toi nous font vivre quand ils viennent en vacances.
Ils ont juste était touchés en plein par l’inflation
Et maintenant notre argent ne vaut plus un rond.
Alors va vite défiler pour réclamer un peu plus de RTT
Et Haïti tu pourras peut-être nous y retrouver
Utilise-le bien ton 13ème mois de salaire payé
Viens le dépenser ici, qu’on puisse manger.
Tu picoleras des pina-colada sous les cocotiers
Ne jettes pas la pulpe ça nous fait le petit déjeuner

Voilà je vais m’arrêter de parler de la misère
Quelque part ça me tape un peu sur les nerfs
Que dans notre super monde de communication
Il n’y ait pas eu un seul journaliste pour faire la corrélation
Qu’est-ce que tu veux que je te dise, des fois je m’emporte
À d’autres moments comme toi je me lave les mains de ce qu’est pas à ma porte.
Mais si moi je devrais remettre en perspective ma voix passive et la tourner en forme active.
Ben toi, choisis bien tes combats à Paris, mais n’oublie pas ceux qui crèvent de faim à Haïti.