Titre

Highway

Accroche

Trois étrangers, une même route, un même destin.

Description

Écrit un jour où je devais être en colère après la société. Une inspiration américaine du symbolique “marche ou crève”.

38 000 caractères

Extrait

Highway

 

1

 

Jeff Donovan venait de quitter l’agence « Aacon » pour laquelle il faisait de l’auto drive away, c’est-à-dire du transport de véhicule.

Souvent, en déménageant, certaines personnes répugnaient à traverser plusieurs États – quand ce n’était pas le continent entier – avec leur voiture et préféraient soit la vendre, soit la confier à un convoyeur. Jeff était sur la liste des travailleurs freelance de l’un de ces prestataires spécialisés. De temps à autre on lui confiait une mission, et si la destination lui convenait, il partait sur les routes. Il visitait ainsi les States au gré des bouleversements sentimentaux, de travail, ou de goût, qui faisaient déménager la clientèle.

Cette fois, il devait rallier Chicago à Los Angeles à bord d’une Plymouth bleu nuit datant de quelques années.

 

Mark Granger n’aimait pas beaucoup l’avion car il s’y ennuyait à mourir. Il était en effet si rare de tomber sur un voisin prêt à faire un petit poker ou un black jack. Or, Mark Granger adorait les jeux de cartes. Il se morfondait dès qu’il ne pouvait pas jouer. Il évitait donc de voler, préférant utiliser la voiture même pour de longs trajets. Cela lui permettait de s’arrêter au gré de ses envies dans un bar ou un autre à la recherche d’une petite partie. Cette fois, le voyage lui tenait particulièrement à cœur, puisqu’il ralliait Saint Louis à Las Vegas pour y passer une semaine de liberté dans ses casinos. Jeux, nuits blanches… le bonheur était au bout de la route. Ce fut le sourire aux lèvres qu’il déposa sa valise dans le coffre de sa Camaro blanche en prévision de son départ prévu le lendemain matin.

 

Richard Night portait bien son nom. Il passait la plupart de ses nuits au volant de son truck, un énorme Mack rouge qui charriait sa remorque, ou sa citerne selon les cas, d’un bout à l’autre du pays pour le compte de la « Trans American Truck Company» de Kansas City.

Il agrippait le volant du monstre d’une main, l’autre tenant une canette de bière Budweiser à moitié vide. Bientôt il rejoindrait l’interstate 40 en direction de Flagstaff, où il devait livrer les douze Corvettes noires qui trônaient – tels des joyaux sertis – sur la remorque argentée du camion.

 

 

 

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Jeff Donovan roulait sur l’interstate 55 depuis maintenant cinq bonnes heures. Bientôt il arriverait à Saint Louis où il s’arrêterait pour prendre quelques heures de sommeil bien méritées, avant de repartir le lendemain. La nuit tombait rapidement, et il était inutile qu’il se fatigue dès le premier jour. Il avait une semaine pour arriver à Los Angeles – à quelque trois mille cinq cents kilomètres de là –, autant en profiter.

 

Mark Granger remonta chez lui pour dormir un peu avant son long voyage. La valise était dans le coffre de la Camaro achetée la semaine précédente et qui attendait avec impatience que le top du départ soit donné pour laisser rugir ses chevaux. En attendant, Granger se coucha en pensant aux mille feux de Vegas qui l’attendaient.

 

Richard Night rangea son camion sur le parking du truck-stop et alla s’acheter un sandwich. Il avait dépassé Saint Louis dans la soirée puis avait roulé quelques heures encore pour profiter de l’accalmie du trafic. Il s’apprêtait maintenant à dormir jusqu’au petit matin avant de reprendre la route.

Une fois le sandwich avalé, il s’allongea sur la couchette située derrière le siège du conducteur et fixa le ciel de toit de la cabine jusqu’à ce que Morphée vienne le bercer entre ses bras.

 

 

 

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Frais et dispo, Jeff Donovan régla sa note sans oublier de demander une facture, et alla récupérer la Plymouth sur le parking du motel. L’itinéraire était simple à retenir, il suffisait de suivre l’interstate 44, puis 40, jusqu’à Los Angeles. Aussitôt entré dans la voiture, il mit le contact et s’élança vers Oklahoma City.

 

Mark Granger appuya sur le bouton de la télécommande, et aussitôt la porte du garage bascula, laissant filtrer les premiers rayons du soleil. Il passa la première et la boîte automatique fit le reste. Lentement, la Camaro sortit du garage et s’avança sur le gravier de l’allée tandis que la porte se refermait automatiquement derrière elle. Ses pneus mordirent le bitume de la rue et Granger quitta la ville pour s’élancer sur l’interstate 44.

 

Richard Night lança le lourd moteur du monstre d’acier. Aussitôt, les deux soupapes des échappements s’ouvrirent au-dessus du toit pour pousser un léger sifflement et cracher leur dose de gaz brûlé.

Le soleil déjà levé dardait ses rayons dans la direction à suivre. Le long ruban de bitume de l’interstate 44 filait vers l’ouest, et le lourd Mack s’y engagea.

 

 

 

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Il faisait un temps idéal pour conduire, ni trop chaud, ni trop froid. Le soleil illuminait un ciel bleu où de gros nuages isolés traînaient paresseusement. Jeff Donovan avait tout de même mis en marche l’air conditionné, histoire de profiter de tout le confort du véhicule. Il roulait déjà depuis deux heures. Le trafic était peu dense, à tel point qu’il pensait être seul sur la route. Un point blanc grossissant rapidement dans son rétroviseur intérieur vint lui prouver le contraire. Il vit arriver un coupé qui roulait bien plus vite que la normale. Jeff identifia le véhicule lorsque celui-ci le dépassa. C’était une splendide Camaro du dernier cri. Il aurait largement préféré être au volant de celle-ci plutôt qu’à celui de la Plymouth. L’espace d’un instant, il fut tenté de filer le train à la sportive rutilante pour voir ce qu’elle avait dans le ventre, mais il se reprit. Il ne pouvait pas se payer le luxe de la moindre incartade au code de la route, chose que pouvait certainement faire l’actuel propriétaire du bolide.

 

Mark Granger filait sur la route comme une flèche. Il dépassait allègrement les limitations de vitesse, mais cela ne le dérangeait pas outre mesure. Après deux heures de route, il s’arrêta pour prendre un petit café à la buvette d’une aire de stationnement.

Son regard se porta sur la lanière de bitume de l’interstate, identifiant les derniers véhicules qu’il venait de doubler et qu’il lui faudrait à nouveau dépasser, comme cette Plymouth bleue, par exemple, qui roulait droit vers l’ouest.

 

Richard Night avait activé son régulateur de vitesse pour pouvoir mettre ses deux pieds dans une position plus confortable. Le Mack tenait sa vitesse de 90 kilomètres à l’heure tranquillement, avalant les kilomètres avec obstination. Bientôt, Oklahoma City serait dépassée.

 

À SUIVRE…